En bref
Face à une baisse d’activité, l’entreprise nordiste Bernard Lannoy Construction a évité des suppressions de postes en misant sur la polyvalence de ses salariés. Elle a décidé de former pendant dix mois une équipe de dix maçons aux métiers de carreleur, plaquiste ou couvreur.
« Nous employons des compagnons qui couvrent tous les corps de métiers nécessaires à la construction d’une maison individuelle, nous pouvons ainsi prendre en charge de A à Z la construction d’un pavillon », lance avec fierté Daniel Lecesne, le DRH de Bernard Lannoy Construction, PME familiale implantée dans le Nord, à Aubigny-au-Bac.
Bernard Lannoy a créé son entreprise en 1966 et, au milieu des années 2000, ses enfants, Pierre et Frédéric, ont pris la relève. Ils continuent aujourd’hui à développer la société, qui emploie plus de 130 salariés.
Solidement implantée sur son territoire, Bernard Lannoy Construction, longtemps sans souci, a été rattrapée par la crise. « Au début, nous n’avons pas senti d’effet tangible car notre carnet de commandes était rempli pour les dix-huit mois à venir, et permettait de réaffecter sans problème chaque équipe de compagnons à la fin de chaque chantier», se souvient Daniel Lecesne.
«Mais début 2013, la situation est devenue de plus en plus tendue pour les équipes de gros oeuvre - en particulier les maçons - alors que dans le même temps, nous avions encore du travail en second oeuvre (plâtrerie, carrelage…). »
Problème : les salariés inoccupés sont qualifiés en maçonnerie mais n’ont aucune compétence technique pour intervenir dans d’autres corps d’état. Cette situation va pousser le DRH a casser les codes.
« Face à la baisse d’activité, la logique habituelle aurait conduit à se séparer d’une équipe de maçons, mais nous avons décidé de miser sur la formation pour gagner en polyvalence, explique le DRH. Notre idée, était de former une dizaine de maçons aux métiers de second oeuvre pour avoir davantage de souplesse pour les réaffecter en fonction de l’activité disponible, tout en sauvegardant les emplois. »
Large polyvalence
Daniel Lecesne fait appel au volontariat pour trouver des candidats motivés par le projet, mais il faudra plusieurs réunions pour lever les inquiétudes, expliquer le projet et finalement convaincre dix maçons d’accepter la formation. La mise en oeuvre de l’ingénierie de formation se fera en collaboration avec l’Opca Constructys et l’Afpa.
Cette dernière est chargée d’évaluer chaque salarié et de définir un parcours de formation sur mesure en fonction de ses compétences techniques initiales.
C’est à l’automne 2013 que la formation en alternance de dix mois est lancée pour former 5 plaquistes, 3 couvreurs et 2 carreleurs. Pour parachever la montée en compétences, la formation intègre, au-delà des techniques métiers, les exigences liées à la nouvelle RT 2012 (réglementationthermique issue du Grenelle de l’environnement), le passage du Caces(Certificat d’aptitude à la conduite en sécurité, permettant la conduite d’engins de manutention) ainsi qu’une formation de sauveteur secouriste du travail.
« La formation s’est déroulée au centre Afpa de Cantin, dans le Nord, à quelques kilomètres de notre siège, et cette proximité était un vrai plus pour tout le monde, se félicite Daniel Lecesne. Tout au long de la formation, nous avons pu faire des bilans intermédiaires avec le formateur référent Afpa qui s’est aussi déplacé sur nos chantiers lorsque les stagiaires mettaient en application leur formation sur le terrain. Au final, en décembre 2014, nos dix maçons ont obtenu leur titre professionnel. »
Un effort financier conséquent
Début 2015, les nouveaux diplômés ont été affectés en fonction du plan de charge et si certains ont continué dans la maçonnerie, d’autres ont intégré des équipes de plaquistes ou de couvreurs, tout en bénéficiant de l’accompagnement d’un tuteur pendant quelques mois.
Si ce projet innovant a été une véritable réussite sur bien des plans, sa mise en oeuvre a nécessité un effort financier lourd à porter pour une PME, tient à souligner le DRH. « Nous avons certes bénéficié de financements importants accordés par l’Opca Constructys et la Région, mais plus de 100 000 euros sont tout de même restés à la charge de l’entreprise qui les a financés à travers un emprunt spécifique pour lequel les dirigeants se sont portés garants à titre personnel », précise Daniel Lecesne.
Reste qu’en évitant des suppressions d’emploi, Bernard Lannoy Construction est resté fidèle à ses valeurs mais a aussi préservé l’avenir en misant sur la polyvalence, un atout majeur pour consolider le développement de la PME nordiste.