Accueil Espace Presse Tribune d'Yves Barou sur le plan 500 000 : "Ni mépris, ni fatalisme : investir dans la formation"

Tribune d'Yves Barou sur le plan 500 000 : "Ni mépris, ni fatalisme : investir dans la formation"

21/01/2016

L’annonce du plan 500 000 a suscité questions et critiques : la formation ne serait-elle pas un gâchis (32mds sont déjà dépensées), un camouflage du chômage (des formations parking !) et un évitement des vraies questions (les rigidités françaises à l’embauche !).

Contrairement aux idées reçues, les dépenses de formation pour les demandeurs d’emploi n’ont pas suivi la montée du chômage. Depuis 10 ans le chômage a augmenté de 40% alors que les dépenses de formation pour les chômeurs n’ont augmenté que d’environ 12% ! Seulement 4 milliards sont aujourd’hui mobilisé pour les demandeurs d’emploi ! Pour chacun cela se traduit par une probabilité réduite d’accéder à une formation, à des délais d’attente rallongés et à une vraie désespérance alors même que l’immense majorité des actifs se disent prêts à une reconversion, radicale si nécessaire. A l’inverse au début des années 2000, l’Allemagne a su mobiliser plus de ressources pour les demandeurs d’emploi. On connaît la suite…

Pour éviter d’affronter cette question d’allocation des ressources en période de crise, certaines voix questionnent aujourd’hui l’utilité de la formation pour accéder à l’emploi. La formation serait donc un luxe pour toute une catégorie de salariés ! Alors même que chacun, pour lui même et pour ses enfants, mise sur la formation, sur le développement du capital humain pour accroitre son (leurs) employabilité et donc améliorer son(leurs) itinéraire professionnel ! Alors même que tout employeur recherche, et c’est normal, une employabilité immédiate ! Construire des universités, ce serait bien, mais donner un métier à des demandeurs d’emploi serait secondaire !

Refuser à ceux qui sont sur le bord du chemin le droit à la formation, c’est en fait un avatar d’une forme d’élitisme à la française fondé sur le mépris des tâches d’exécution et la négation d’un parcours professionnels pour les noncadres. Avec la grande avancée de la validation des acquis professionnels il est pourtant désormais possible de combiner accès à l’emploi et formation tout au long de la vie.

Aujourd’hui, malgré plus de 3,5 millions de chômeurs, des entreprises ont du mal à recruter et ce sont souvent à la fin des emplois qui quittent la France ; la liste est connue depuis longtemps : chaudronniers, soudeurs, techniciens de maintenance mécanique, (il faut une longue liste). Demain, la situation concurrentielle de la France se mesurera à l’aune de sa capacité à innover dans le domaine numérique et pour cela il faut des entrepreneurs, des ingénieurs mais aussi des techniciens comme …et des opérateurs comme …

Demain, la place de la France dans le monde résultera pour une large part de sa capacité à devenir leader de la transition énergétique ; la moitié des métiers sont impactés par ces changements, métiers du bâtiment évidemment avec l’impact notamment des énergies alternatives et des économies nécessaires (plombier spécialisé en énergies alternatives, métiers de l’isolation, stratifieurs, techniciens en matériaux composites…), métiers de l’industrie (…). Réussir la COP21 c’était fondamental, mais, dans la foulée, il faut un effort de formation massif à la hauteur des enjeux ; sinon ceux qui se sentent aujourd’hui rejetés ne pourront bénéficier de ces opportunités nouvelles.

La formation est la bonne réponse, à une condition néanmoins, qu’elle aboutisse à un métier, à une employabilité attestée par une certification. Il ne faut pas en période de crise et donc de bouleversements des métiers réduire l’ambition des formations ; si les durées sont réduites, ce ne doit pas être pour faire des formations au rabais ou parking mais pour tenir compte des acquis professionnel et des possibilités ouverts par les formations multimodales partiellement à distance grâce au « e-learning ». Sous ces conditions personne ne s’étonnera que les taux d’accès à l’emploi soient relativement élevés, 60% environ à 6 mois sans sélection à l’entrée (statistiques Afpa) , et plus pour les métiers d’avenir, dans une période de pénurie d’emploi.

Mise en cohérence avec une politique économique et industrielle, la formation pour l’emploi, ça marche ! D’ailleurs chaque demandeurs d’emploi qui franchit les portes d’un centre de formation le sait bien. Il, elle, passe de la désespérance au rebond !

L’urgence sociale est aussi une urgence économique

Le capital humain reste le premier déterminant de la croissance potentielle de moyen terme et un des leviers d’action pour effacer le différentiel de croissance qui pénalise la France. La mobilisation contre le chômage a de multiples volets qui doivent être fait de concert et concerne tous les acteurs, entreprises, régions, partenaires sociaux, Etat.

Ce qui est en cause aujourd’hui c’est l’urgence, en France comme en Europe, d’un plan massif pour préparer les actifs aux métiers de demain. Il faut investir dans la formation comme nous avons su le faire dans l’après guerre, investir dans la formation pour préparer une nouvelle croissance et redonner espoir à ceux qui n’ont plus confiance. L’urgence sociale et économique est aussi républicaine.

Fallait-il le faire plus tôt ? probablement oui, mais est-ce une raison pour retarder encore ? Mais il ne faut pas noircir le tableau. Les régions se sont mobilisés pour redéfinir les formations bien orientées vers l’emploi. De plus un long et riche processus, à la française dans le bon sens du terme, s’est déroulé au cours des dernières années pour booster les financements existants : rapport Larché, conférence sociale de 2012, accord national interprofessionnel de …2013, loi Sapin, mobilisation des fonds paritaires : au total des mécanismes pérennes de financement additionnel des demandeurs d’emploi ont été, dans un large consensus : 150 millions en 2015 et probablement 300 en 2016.

Enfin les plans 100 000 ont marqué une réelle avancée des financements et de la coordination entre les acteurs. Aller plus loin, alors que la croissance se fait désirer, que les défis industriels sont là, et que le désespoir gangrène notre pays, quoi de plus naturel.

Yves BAROU Président du cercle des DRH Européens, Président de l’AFPA