En bref
Longtemps dévolu aux hommes, le métier de peintre sera bientôt parfaitement mixte. D’année en année, de plus en plus de femmes se dirigent vers ce secteur d’activité. La preuve avec Joëlle Métreau, qui a réussi à imposer sa légitimité professionnelle sur les chantiers au tournant des années 2000, à une époque où le métier était encore peu mixte. Elle est devenue, en 2005, formatrice à l’Afpa de Rochefort, où, sa personnalité affirmée fait merveille.
« Joëlle Métreau, c’est vraiment un personnage ! Elle a selon moi toutes les caractéristiques d’une femme au travail : elle est très organisée, très cartésienne, très minutieuse. Mais elle a aussi un fort caractère. Elle est simple, directe et ne fait pas de manières. Lorsqu’elle a quelque chose à vous dire, elle vous le dit ! Et puis, elle connaît bien son boulot et je lui dois beaucoup » Jean-Sébastien Frugier, 41 ans, ancien professeur de sport, ne tarit pas d’éloges sur celle qui fut, l’année dernière, pendant 6 mois, sa formatrice et son mentor au métier de peintre en bâtiment à l’Afpa de Rochefort.
Une formatrice qui s'investit à fond dans ses projets
« Lorsque je suis entrée dans l’association, en mars 2005, j’étais la seule femme formatrice à Rochefort sur cette discipline et je le suis toujours ! » annonce Joëlle Métreau. Sur tous les centres Afpa, on doit être une dizaine aujourd’hui, ce qui prouve que la profession se féminise » D’ailleurs, environ 40% des effectifs de sa formation sont des femmes.
Une tendance que confirme Jean-Sébastien Frugier : « Joëlle a un côté brut de décoffrage. S’il le faut, elle n’hésite pas à passer par l’épreuve de force car elle ne se démonte jamais et possède de la poigne, tout en sachant doser… Par exemple, l’année dernière, nous avions dans notre groupe un gars qui sortait de prison. Tout le monde se disait que, vu son caractère récalcitrant, il n’allait pas rester longtemps parmi nous. Mais Joëlle est parvenue à le faire aller au bout de sa formation… Même avec mes 11 années de professorat, je ne suis pas sûr que j’aurais pu réussir à obtenir le même résultat ! »
Il faut dire que, pour « mater » la gente masculine, Joëlle Métreau a été à bonne école. Au tout début de sa carrière, elle a travaillé durant 5 ans à la police de l’air et des frontières de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, avant de revenir dans les Charentes après la naissance de sa fille, pour tenir, seule, pendant 12 ans, un café dans un quartier animé de Rochefort, sa ville natale.
Peintre en bâtiment : un retour aux sources
« J’aime énormément le contact avec les gens, confie-t-elle, mais cette activité m’avait beaucoup fatiguée. La quarantaine venue, je me suis interrogée sur la suite de ma carrière en me souvenant avec nostalgie de mon enfance passée avec mon père qui était peintre en bâtiment. Je le regardais faire lorsqu’il travaillait à la maison, parfois je l’aidais et ça me plaisait bien. Mais à l’époque, pas question qu’une femme fasse ce métier ! »
En 1999-2000, elle opère donc en quelque sorte un retour aux sources en intégrant une formation de peintre en bâtiment de 7 mois à... l’Afpa de Rochefort ! «Lorsque j’ai quitté le centre avec ma qualification en poche – et ce, même si la responsable de formation m’avait dit qu’on se reverrait -, j’étais loin de me douter que j’y retournerais un jour !»
Et pourtant, après cinq années durant lesquelles elle enchaine les missions d’intérim dans diverses entreprises de la région, Joëlle Métreau se voit proposer en mars 2005 de remplacer temporairement le formateur en poste. « J’ai été tellement surprise que j’ai dit oui, se rappelle-t-elle dans un grand éclat de rire. Pourtant je n’avais aucune notion pédagogique. Je me suis uniquement basée sur mes souvenirs de formation ! Mais il faut croire que je n’étais pas trop mauvaise puisqu’ensuite on m’a confié d’autres remplacements durant l’été et que j’y suis toujours ! »
Peintre, « un métier bien plus technique qu’on ne le croit au départ »
Lorsqu’elle affirme que c’est « transmettre l’amour du métier » qui lui plaît dans son rôle de formatrice, Joëlle Métreau suggère aussi que, dans cette passion, plusieurs éléments se mêlent : odeurs de peinture et souvenirs d’enfance, jouer avec les couleurs, mais aussi des gestes précis et techniques. « C’est un métier bien plus technique qu’on ne le croit au départ » explique-t-elle. « Les connaissances qu’on doit accumuler pour être un bon professionnel, ou une bonne professionnelle, sont nombreuses, très précises : on ne peint pas de la même manière en intérieur qu’en extérieur ; on ne peint pas avec les mêmes matières un métal ferreux ou non ferreux, on n’applique pas les mêmes procédures sur tous les bois… Bref, il y a beaucoup de choses à connaître. »
Cette technicité fait la valeur du métier. L’importance croissante que prend le développement durable joue aussi son rôle : les matières évoluent, les peintures en phase aqueuse sont majoritairement utilisées. Les stagiaires de Joëlle Métreau sont très sensibilisés à ces questions, aussi bien pour préserver l’environnement que leur santé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les normes de sécurité revêtent autant d’importance que les normes environnementales : hors de question de travailler sans masques ou gants avec certains produits !
Un soutien pour les futures peintres en bâtiment
Grâce à la page Facebook qu’elle a créé spécialement à leur intention, Joëlle Métreau garde toujours le contact avec les stagiaires qu’elle a formé. Surtout les femmes. « Je pense que, malgré nous, une forme de complicité s’est instaurée. Alors que beaucoup travaillent pour des artisans, elles me demandent souvent des conseils. Celui que je leur donne le plus volontiers, c’est de savoir se faire respecter sur les chantiers. Car c’est un milieu machiste où les blagues salaces sont légions. Mais, avec un caractère bien trempé, on arrive à remettre les hommes à leur place et, ainsi, à se faire la sienne ! »
Actuellement, le métier est mixte, hommes et femmes se complètent sur le chantier : les soucis vont diminuant avec le temps, chacun y trouve sa place… pourvu qu’on soit motivé ! « On ne peut pas exercer un métier à contrecœur », conclut la formatrice. Un métier se choisit, celui de peintre ne fait pas exception – c’est ce que Joëlle Métreau démontre à ses stagiaires, jour après jour, par la passion qu’elle immisce dans sa formation.
Dans 4 ans environ, Joëlle Métreau sait qu’elle sera contrainte de raccrocher les pinceaux. Une perspective qu’elle envisage sans appréhension particulière, avec un seul souhait : venir de temps à autre prêter main forte à son successeur…