Au cœur des cités, l’Afpa et le groupe SNI, partenaires pour l’emploi
Le 24 mars 2016, l’Afpa et le groupe SNI, premier bailleur social de France, ont signé une convention de partenariat qui marque le lancement d’une approche innovante et ciblée en faveur de l’emploi : implanter l’organisme formateur au sein des quartiers prioritaires, avec pour objectif de créer un « circuit court » d’accès à la qualification professionnelle. Exemple à Sarcelles (Val d’Oise), premier des 19 sites répartis sur toute la France.
Un simple logo vert frappé du sigle de l’entreprise apposé sur la porte d’entrée. Au rez-de-chaussée de la résidence Pasteur, à Sarcelles, en plein cœur des quartiers prioritaires de la ville, la présence de l’Afpa (Association pour la formation professionnelle des adultes) est discrète mais bien réelle. Depuis le mois de mai 2016, ce modeste local de deux pièces ouvre aux chômeurs et aux jeunes du quartier un nouvel accès à la formation.
Pour l’Afpa, cette implantation inédite hors les murs de ses centres de formation est le fruit d’un partenariat signé le 24 avril 2016 avec la Société nationale immobilière (SNI), premier bailleur social de France et filiale de la Caisse des dépôts, qui met à disposition ses locaux rénovés et meublés à titre gratuit. « Nous voulions offrir un service innovant à nos résidents dont la préoccupation majeure reste l’accès à l’emploi et à la formation. Ce partenariat entre deux acteurs publics importants, qui s’inscrit dans notre philosophie commune d’utilité et de cohésion sociale, était donc naturel », explique Thomas Le Drian, directeur du cabinet du président du directoire de la SNI. « L’objectif est d’être au plus près des personnes les plus éloignées de l’emploi en créant un circuit court pour accompagner les résidents de la SNI et les amener soit vers une formation, soit sur le chemin d’un retour à l’emploi », développe de son côté Michèle Le Pavec, directrice de l’accompagnement et de l’inclusion sociale de l’Afpa.
Accompagnement global
Mais ces espaces d’accueil et de conseil, ouverts trois demi-journées par semaine, répondent également à un besoin. Alors que les missions locales et Pôle emploi sont les prescripteurs officiels des formations, les habitants des quartiers prioritaires, où sévit 2,5 fois plus de chômage qu’ailleurs selon les chiffres de l’Observatoire national de la politique de la ville, n’ont pas toujours une telle structure à proximité. « Très souvent, ils se sentent perdus dans la complexité des démarches et le nombre d’interlocuteurs, analyse Michèle Le Pavec. Mais, notre rôle n’est pas de nous substituer à Pôle emploi ou aux missions locales. Nous entendons travailler en complément de leur action, pour être des relais, des accélérateurs de parcours et construire avec eux une offre la plus adaptée possible. » L’Afpa propose ainsi « un accompagnement global » aux bénéficiaires de leurs services : construction d’un parcours professionnel, suivi individuel, stages et ateliers collectifs pour l’orientation professionnelle et la recherche d’emploi, formations, mais aussi mise en place de synergies avec un réseau de partenaires…
19 sites sur toute la France
Profitant de l’ancrage territorial de la SNI, qui gère un million de locataires (logements sociaux et intermédiaires confondus) sur toute la France, 7 sites ont vu déjà le jour : à Sarcelles, Stains, Toulouse, Rouen, Le Havre, Nice et Saint-Herblain, près de Nantes. Mais le projet ne s’arrête pas là. D’ici la fin de l’année, au coup par coup, lorsque les travaux d’aménagement – notamment l’accès aux personnes handicapées – auront été réalisés, 12 nouveaux locaux devraient s’ouvrir dans des quartiers prioritaires : Les Mureaux (Yvelines), Longjumeau (Essonne), Villeneuve la Garenne (Hauts-de-Seine), Brunoy (Essonne), Montreuil (Seine-Saint-Denis), Villiers le Bel (Val d’Oise), Massy (Essonne), Carrière sous Poissy (Yvelines), Dijon (Côte d’Or), Vénissieux (Rhône), Marseille (Bouches-du-Rhône), et Forbach (Moselle), portant ainsi à 19 le nombre de structures implantées dans 8 grandes régions sur 13.
Jusqu’ici, 66 personnes se sont rendues dans les locaux de l’Afpa, 64 font l’objet d’un suivi personnalisé, 2 sont aujourd’hui en emploi et 11 sont entrés en formation. « C’est un début encourageant, affirme Thomas Le Drian. Malgré tout, je pense qu’il y a encore une méconnaissance de ce dispositif. Nos locataires sont souvent des gens qui n’ont pas l’habitude d’aller vers ce type d’organisme. Je crois aussi qu’ils n’ont pas pris la mesure de ce qui était en train de se passer. »
Le relais des gardiens
Pour pallier cet inconvénient, les gardiens d’immeuble ont d’emblée été associés au projet. Leur rôle : informer les gens, les repérer et les diriger vers l’accueil. « Ce sont eux qui connaissent le mieux les locataires et qui sont le plus à même de connaître leurs besoins. C’est un relais essentiel pour la réussite du projet », justifie Hélène Martin Martinez, responsable de la coordination et du développement social urbain de la SNI, en déplacement dans les locaux de Sarcelles.
Sur le terrain, pourtant, ceux et celles qu’on appelait autrefois des concierges, éprouvent quelques difficultés à « porter la bonne parole ». « C’est délicat, avoue l’une d’elle, surtout avec les jeunes. Même si on sait que tel ou tel recherche du boulot, ce n’est pas toujours facile de lui parler de ça. Alors, pour contourner le problème, on passe souvent par les mères pour toucher les enfants. »
Côté chômeurs, l’initiative semble ravir ceux qui en bénéficient. « Ce suivi avec l’Afpa, c’est un vrai coup de pouce pour mon projet professionnel. Et avec les permanences en bas de chez moi, tout est plus simple », s’enthousiasme Jessica, qui souhaite se reconvertir en… gardienne d’immeuble. Même son de cloche chez Nacira dont les diplômes passés à l’étranger n’ont aucune valeur en France : « Pôle emploi m’a bien proposé des formations pour me reconvertir, mais je n’ai pas eu de retour. À l’Afpa, c’est différent. J’ai eu droit à un vrai suivi et aujourd’hui, on m’a trouvé un centre et un financement. C’est parfait. »
Alors que, mois par mois, l’Afpa et la SNI analysent minutieusement les premiers résultats de leur action commune, une étude universitaire, menée par deux sociologues de l’Université de Nantes, est en cours de réalisation sur le site de Saint-Herblain, apportant ainsi au projet social un intérêt scientifique.
Philippe Lefebvre