Témoignage 10/03/2016

Virginie Lemarié : « Se montrer aussi bonne sinon meilleure que les hommes »

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Virginie Lemarié

  - 51 ans

Future menuisière aluminium

" Même si je suis la seule femme de la formation, je n’ai pas senti de réticence particulière au fait que je sois une femme "

En bref

Après avoir été documentaliste, puis assistante administrative pour le compte de l’entreprise de son époux, Virginie Lemarié a souhaité se reconvertir dans une profession manuelle en entrant en formation menuiserie aluminium à l’Afpa de Coutances (Manche). Une nouvelle orientation professionnelle dans « un métier d’hommes » qui suscite encore des réticences chez certains employeurs.

Lorsqu’on approche de la cinquantaine, se reconvertir dans un métier très éloigné de ses compétences d’origine n’est jamais facile. Mais ça l’est encore moins lorsqu’on est une femme et qu’on a choisi une activité jusque-là massivement occupée par des hommes. Virginie Lemarié, une normande de 51 ans, en a fait l’expérience.

D’abord documentaliste durant 8 ans dans une école privée parisienne, puis à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) de Caen, Virginie a ensuite travaillé pendant une vingtaine d’années comme assistante administrative à Touffreville (Calvados) dans l’entreprise de dépannage de son mari. Lorsqu’elle se sépare de celui-ci, voici trois ans, elle tente de retrouver un emploi dans son premier métier. Mais, entre-temps, la conjoncture a changé et, sur sa région, les offres de documentaliste se font rares.

Virginie prend alors la décision de changer radicalement de branche en s’orientant vers un métier manuel. « Ça peut paraître curieux, raconte-t-elle, mais j’aime beaucoup bricoler. Grâce à mon père et à mon mari, j’avais déjà touché à pas mal de secteurs manuels : la pose de carrelage, de parquet, le placoplatre, la peinture, les papiers peints, etc. Mais en même temps, à cause de mon âge, je ne voulais pas d’une activité trop physique… »

Comme elle ne sait pas trop vers quelle activité précise se tourner, Pôle emploi l’aiguillonne vers le dispositif Esp’OIR (Espaces d’orientation et d’intégration régionaux), un service créé en 2009 par la Région Basse-Normandie, qui permet à un demandeur d’emploi porteur d’un projet professionnel de découvrir un nouveau métier dans le cadre d’un stage de 15 jours en entreprise.

Cette immersion « sur le terrain », Virginie la fait à la Stab, une miroiterie de Colombelles, près de Caen, spécialisée dans la menuiserie en aluminium, c’est-à-dire la coupe et l’assemblage d’éléments en aluminium pour les portes, les fenêtres, mais aussi les vérandas. « J’ai presque tout de suite été conquise par le métier, confie Virginie. A ma sortie, j’ai immédiatement demandé à pouvoir bénéficier d’une formation longue.»

Souhait réalisé fin novembre 2015, lorsqu’elle intègre l’Afpa de Coutances (Manche) pour une formation de 6 mois. « Même si je suis la seule femme de la formation, je n’ai pas senti de réticence particulière au fait que je sois une femme, précise la nouvelle stagiaire. Mon formateur, M. Alain Poincheval, m’a juste dit qu’il attendait, comme pour les autres, que je fasse mes preuves. Ce n’est qu’en cherchant mon stage en entreprise que je me suis heurtée à des problèmes… féminins. »

Car Virginie a contacté pas moins de 12 entreprises qui ont toutes décliné sa proposition sans lui en expliquer clairement les raisons. « Je ne suis pas sûre que mon statut de femme n’ai pas joué un rôle dans ces refus successifs, hasarde-t-elle, même s’il est possible que mon âge aussi a joué. Mais ce que je constate, c’est que tous les garçons de ma session – dont l’âge varie de 25 à 53 ans – ont tous trouvé une entreprise sans aucune difficulté…»

Finalement, c’est à la Stab de Colombelles, là où elle a effectué son premier stage de 15 jours, que Virginie retournera, fin avril, pour effectuer une immersion en entreprise de trois semaines. « En Normandie, analyse-t-elle, le poids des traditions, qui veulent que les femmes occupent des emplois de femmes et les hommes des métiers d’hommes, est encore lourd. Et puis, ça a l’air d’être un détail, mais, entreprise, au niveau des vestiaires, ça pose un problème. En fait, rien n’a été prévu en pareil cas !»

Virginie sait qu’elle ne doit pas attendre d’aide particulière au fait d’être une femme. Au contraire, elle estime qu’elle va devoir en montrer d’avantage pour prouver qu’elle est « aussi bonne sinon meilleure que les hommes ». Quant à la question de son âge, Virginie la réfute d’un revers de manche : « Si j’étais plus jeune, les patrons se demanderaient quand même s’ils n’ont pas fait une bêtise en employant une femme qui risque de tomber enceinte dans les 6 mois ! Là au moins, vu mon âge, le problème ne se pose pas ! »

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